L’histoire de la clouterie : des origines à l’ère industrielle

Rédigé par Jean-Luc Martel, expert en histoire industrielle et patrimoine artisanal

La clouterie, artisanat méconnu mais essentiel, a joué un rôle fondamental dans le développement des civilisations. Des premières pointes forgées à la main aux machines industrielles capables de produire des milliers de clous par heure, cette activité a traversé les âges en s’adaptant aux besoins techniques et économiques. Au fil des siècles, les cloutiers ont perfectionné leurs méthodes, passant d’un travail laborieux à une production de masse. Aujourd’hui, bien que l’ère artisanale ait laissé place à l’industrialisation, certaines marques perpétuent cette tradition avec des clous forgés haut de gamme. Plongeons dans l’histoire fascinante de la clouterie, des origines antiques à la révolution industrielle.

Les origines antiques de la clouterie

L’histoire des clous remonte à l’Antiquité, où ils étaient fabriqués manuellement à partir de métaux comme le bronze et le fer. Les Romains, grands bâtisseurs, utilisaient des clous forgés pour assembler charpentes, navires et machines de guerre. Chaque pièce était unique, façonnée par des artisans spécialisés.

Au Moyen Âge, la clouterie devient un métier à part entière, avec des ateliers artisanaux produisant des pointes pour les charpentiers, les selliers et les armuriers. Les cloutiers travaillaient dans des forges rudimentaires, martelant le métal incandescent pour obtenir la forme souhaitée.

L’évolution des techniques de fabrication

Jusqu’au XVIIIe siècle, la production de clous restait manuelle, limitant considérablement les quantités. Tout change avec l’invention des premières machines à clous au début de la révolution industrielle. En 1790, l’Américain Jacob Perkins met au point une presse mécanique, suivie par les innovations françaises et britanniques.

Les usines de clouterie se multiplient, notamment dans des régions riches en minerai comme la Lorraine et la Wallonie. La production passe de quelques dizaines à plusieurs milliers de clous par jour, répondant à la demande croissante des chantiers navals, des chemins de fer et de l’industrie du bâtiment.

L’âge d’or de la clouterie industrielle

Le XIXe siècle marque l’apogée de la clouterie mécanisée. Des marques comme Tréfileries & Laminoirs du HavreUsines à clous de Saint-Étienne et Bostik (initialement spécialisée dans les colles et clous) dominent le marché. Les clous coupés, fabriqués à partir de fil métallique, remplacent peu à peu les clous forgés traditionnels.

En parallèle, des entreprises familiales comme Clouterie Rivierre (fondée en 1888) préservent un savoir-faire artisanal, produisant des clous haut de gamme pour la maroquinerie et l’ébénisterie.

La clouterie aujourd’hui : entre tradition et modernité

Si l’industrialisation a rendu les clous accessibles à tous, certains secteurs exigent encore une qualité irréprochable. Les clous forgés à la main sont toujours utilisés en restauration de monuments historiques ou en sellerie d’exception. Des marques comme Vergez Blanchard (spécialisée dans les outils de maroquinerie) ou Fiocchi (en Italie) continuent de fournir des professionnels exigeants.

À l’ère du numérique, des entreprises comme Würth ou Bricodépôt proposent des gammes variées de clous adaptés à tous les usages, du bricolage à l’industrie lourde.

La clouterie est bien plus qu’une simple activité de production : c’est un pan entier de l’histoire industrielle et artisanale. Des premières pointes façonnées par les forgerons de l’Antiquité aux usines automatisées du XXIe siècle, les clous ont accompagné les grandes avancées technologiques.

Aujourd’hui, alors que la production de masse domine, quelques artisans cloutiers perpétuent un savoir-faire séculaire, rappelant que derrière chaque objet anodin se cache souvent une longue tradition. Que ce soit pour la construction, la maroquinerie ou la restauration, le clou reste un élément indispensable, symbole de résistance et de durabilité.

Des marques comme RivierreWürth ou Vergez Blanchard incarnent cette dualité entre modernité et héritage artisanal. À l’heure où le made in France et les métiers d’art retrouvent une nouvelle jeunesse, la clouterie mérite d’être redécouverte, tant pour son histoire que pour son avenir.

Une plongée historique et technique pour les passionnés d’industrie et d’artisanat.

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